Conçu par Chuck Jones en 1953, Bunny toréador est un cartoon typique de l’âge d’or des Looney Tunes, au style burlesque et rythmé, centré sur une succession de gags physiques opposant Bugs Bunny à un taureau déchaîné dans une arène. D’un point de vue purement technique, l’animation fluide, le timing comique millimétré et la mise en scène inventive témoignent du savoir-faire indiscutable de la Warner à son apogée. Le rythme ne faiblit jamais, et chaque nouvelle confrontation entre le lapin et le taureau redouble d’imagination, avec une inventivité mécanique quasi-cartoonique à la Tex Avery.

Mais au-delà du pur exercice de style, le film souffre d’un aveuglement culturel embarrassant. La corrida, ici utilisée comme simple décor pour des gags visuels, est représentée sans le moindre recul critique. L’univers brutal de cette pratique, pourtant propice à la satire ou à la subversion, est réduit à un simple prétexte comique. Contrairement à d’autres cartoons de la même époque qui savaient détourner ou moquer leurs référents culturels, celui-ci se contente d’en amplifier les clichés.

Résultat : le film frôle l’approbation passive d’une tradition violente, au lieu d’en déconstruire les codes. Et malgré l’humour typique de Bugs, cette fois, l’irrévérence fait défaut.